Initiation à l'écriture poétique

Une écriture émancipatrice
L’écriture poétique peut de prime abord sembler hermétique voire élitiste. Pourtant, à l’opposé des stéréotypes, la poésie offre un espace d’expression illimité. Le langage et ses règles constituent ainsi la matière première d’un art où prévalent créativité et émancipation.
Contrainte ou liberté ?
Pour beaucoup, la poésie est synonyme de vers rimés aux syllabes soigneusement taillées. Qui n’a jamais entendu parler des fameux alexandrins et de leurs sacro-saints douze pieds de long ? Chaque aspirant poète se voit en conséquence confronté à la question primordiale de la forme. Avec en creux, le problème de la légitimité.
On retrouve en effet dans le champ poétique deux courants parfois en conflit : les amateurs d’une poésie dite « classique » et ceux préférant une écriture contemporaine, libérée des normes. En somme, Ronsard contre Bukowski. Alors par où commencer ? Quel « camp » choisir ?
Aucun, évidemment ! L’enjeu formel relève surtout de l’histoire littéraire. La nature même du poème réside autant dans ce qu’il dit que dans sa manière de le dire. Fermer l’une ou l’autre porte reviendrait à se priver des nombreuses ressources derrière. L’ouverture d’esprit et la curiosité demeurent à ce titre les qualités principales du poète.
Le démon des images
Dans son Manifeste du surréalisme, André Breton affirme que :
L’image est une création de l’esprit. Elle peut naître du rapprochement de deux réalités plus ou moins éloignées. Plus les rapports des deux réalités rapprochées seront lointains et justes, plus l’image sera forte.
Ce qui compte à ses yeux, c’est la puissance évocatrice du texte. Or, celle-ci n’émerge qu’à travers les éléments qui le distinguent des productions a priori similaires. Soit notamment une façon singulière d’utiliser la langue ou d’établir des correspondances entre les choses. On pourrait compléter en citant Thomas Ravier et son article publié en 2003 dans la NRF, Booba ou le démon des images.
Dissertant à propos du style du rappeur, il crée la notion de « métagore » et décrit :
(..) des rapprochements qui n’ont pas lieu d’être et, immédiatement, une apparition vénéneuse, rétinienne, brusque, brutale, impossible à se retirer de la tête.
A l’instar du rap, l’écriture poétique se veut donc organique. Elle cherche à marquer les esprits, à poindre. Le mot n’est pas choisi au hasard, car il renvoie au punctum de Roland Barthes. Le concept, au départ lié à la photographie, résonne cependant avec l’émotion particulière suscitée par la lecture de certains poèmes. Il précise :
Le « punctum » d’une photo c’est ce hasard qui, en elle, me point (mais aussi me meurtrit, me poigne)
Le punctum d’un poème c’est… je vous laisse compléter.
Penser la transgression
La démarche poétique suppose en outre d’adopter une posture transgressive. Les contraintes sont là, comment les détourner ? Doit-on, à la manière de Baudelaire, se saisir des structures établies et les subvertir de l’intérieur ? Ou au contraire en dynamiter les cadres ?
Au vingtième siècle, sous l’impulsion du mouvement dada et des surréalistes, le poème se transforme. Il investit l’espace public et s’incarne au-delà du simple exercice de lecture à voix haute. Face à la multiplication des médias (radio, télévision, ordinateur, etc.) le langage élargit ses frontières. Par exemple, le deuxième numéro de la revue littéraire OLGA propose d’accéder à une bande son en ligne via un QR code. Y figurent des œuvres exclusives, impossibles à transcrire uniquement au format textuel.
La poésie se vit désormais comme une expérimentation. Le poète est un chimiste des mots, là où le support choisi devient son laboratoire. Dans un précédent article, j’évoquais la nécessité de découvrir sa propre voix intérieure. Voilà ici le prétexte de l’expérience. A force de tentatives, on finit par repousser les confins de la langue afin d’en étendre le domaine.
Écrire en défiant les usages
Aujourd’hui, le genre poétique se caractérise par sa variété. Les sonnets côtoient le vers libre, la prose et la performance. Souvent, il s’hybride. Par ailleurs, les réseaux sociaux, les outils de création graphique et les plateformes de streaming audio contribuent à le rendre toujours plus accessible. Bref, chacun dispose de sa porte d’entrée ! A condition néanmoins de savoir braver les usages.